Catalogue de l’exposition Maskarade
Avec la sculpture « Katielo », un événement se produit, Kriki crée du spectaculaire ! D’emblée, cette oeuvre monumentale, spécialement conçue et réalisée pour la Collégiale de Chartres force le dialogue avec ce lieu historique. Il est rare de retrouver chez des artistes de la génération de Kriki, des sculptures aussi impressionnantes présentées à un large public. Voilà pourquoi la complicité avec l’histoire de cette Collégiale n’en demeure pas moins un débat forcé avec l’histoire de l’art contemporain français ! « Katielo », nom issu de la cosmogonie Sénoufo – ethnie du Mali, signifie la divinité-maternité consacrée de la forêt. Son message est inséparablement théologique et anthropologique. A savoir aussi qu’à la source de la conceptualisation de cette sculpture, la cosmogonie des Sénoufos est ignorée de Kriki qui, lui, à ce moment-là, cherche à radicaliser son idée-force de masques africains dont le bois se met à repousser. Ce terme botanique de « repousse » fait sens en donnant vie de nouveau au bois inerte des masques sculptés, et par propagation, à l’idée d’une germination sourde à l’œuvre dans chacune de ses peintures. Fortement inscrite dans la connectique sensible de Kriki, « Katielo » expérimente la relation entre le visible et l’invisible, entre le masque et ce qu’il y a derrière. De ce fait, l’impact de ce surprenant bourgeonnement à ses extrémités supérieures s’étend de façon imperceptible à toute la sculpture, à tout son corps! L’apparition inattendue et déjà envahissante de ces larges feuilles vertes, de ces jeunes pousses luisantes autorisent la croyance de l’existence d’un modèle rhizomique aux pieds baskettisés de « Katielo ». Charles Péguy écrira : « De même que lors d’une floraison avortée, la poussée abandonne la partie pour reprendre par en-dessous, à des sources de sèves demeurées vives… ». Mais « Katielo », c’est aussi une sorte de carte d’identité de celui qui incarne encore aujourd’hui la culture punk. En témoigne cette sculpture rare, où l’artiste cristallise un 18ièmesiècle poudré et désinvolte avec une Pompadour africaine en sneakers, caressant un Fuzz endormi sur ses genoux, telle une vierge à l’enfant, bienveillante dans un lieu sacré, définitivement solennelle, assise sur un ampli attentant le branchement des jacks et autres effets larsens prêts au concert. C’est quand Kriki lui recherchera un nom, qu’il arrivera jusqu’à « Katielo » chez les Sénoufos ; aussitôt baptisée, cette sculpture tout aussi improbable qu’inouïe, retombera sous le sens par deux fois, plastiquement et intellectuellement. En plantant « Katielo », comme on jette une graine, au centre de la Collégiale, Kriki fait événement dans l’émergence possible de nouveautés, en procédant par bifurcations métaphoriques dans le déploiement des jeunes ramilles feuillues. La radicalité inventive de l’artiste, combinée à sa façon de travailler par arborescence, le rapproche des propos du philosophe Michel Serres : « Comme un rameau s’élance de la tige, la nouveauté émerge du format… ». « Maskarade » ne masque rien…